Lundi 14 novembre 2011

Hier nuit, dans le train de 22h43 qui arrive à Paris assez tard, et qui est en général plutôt calme, l'affluence était insupportable - habituelle transhumance des jours fériés. Ce n'était pas le nombre d'ailleurs, aussi éprouvant soit-il en lui-même, mais le comportement de nos contemporains, qui déroute ceux qui aiment leurs prochains et dont les visages, les manières d'être offrent à voir des idées éternelles (la pauvreté, la peur, la beauté, la jeunesse, la sagesse, la bonté und so weiter…); aujourd'hui la plupart de disent plus rien, tant leur manque l'apprêt, la tenue, les mots et les manières (comme j'aime les apprêts et les manières !). Signe d'âge, mais pas simplement le mien, celui de la civilisation aussi…

Les plus inoffensifs sont encore les innombrables regardeurs de films sur leurs ordinateurs - parce qu'ils sont silencieux, immobiles, absents, et se fondent dans le paysage. On ne se désespère pas moins d'apercevoir ce qu'ils regardent : des kilomètres de ces images américaines qu'ingurgitent à la chaîne les Français d'aujourd'hui. Engloutis comme ils le sont dans l'américanisation générale des mœurs, des manières, des représentations (par exemple cette habitude désormais prise d'appeler les hommes politiques politiciens, à la manière états-unienne), tous ces Français sont aussi superficiellement Français que nos célèbres "nouveaux arrivants"… Qui ne sait pas réciter une scène de Corneille, un poème de Musset, une phrase de Proust, qui ne sait pas dix grandes dates et ne peut raconter la vie de quinze grands personnages de notre histoire, celui-là est-il vraiment Français ? Voilà ce qui rend malheureux : qu'il n'y ait presque plus de grands Français emplis de la France en tous ses détours et ses replis. Une priorité politique : rendre les Japonais plus Japonais, les Italiens plus Italiens, les Brésiliens plus Brésiliens, les Sénégalais plus Sénégalais, et les Français plus Français…