Dimanche 20 novembre 2011

Vu hier au soir, à la Comédie française, l'Ecole des Femmes. Comment le théâtre peut-il être à la fois si charmant et si ennuyeux. Une fois de plus, à l'entracte, nous filons.

Aujourd'hui, rangements dans mon pauvre appartement de Paris, empli de journaux, dont il faut jeter des tombereaux, souvent sans les avoir lus. Parmi les mille nouvelles que j'aperçois ainsi tomber en cascade, je choisis de retranscrire celle-ci : une étude d’économistes et de statisticiens, publiée en Suisse cet été, met en lumière les interconnexions entre les multinationales mondiales. Et révèle qu’un petit groupe d’acteurs économiques – sociétés financières ou groupes industriels – domine la grande majorité du capital de dizaines de milliers d’entreprises à travers le monde. Ce travail, principalement dû à trois chercheurs de l’Institut fédéral de technologie de Zurich – « The network of global corporate control » (le réseau de domination globale des multinationales) – porte sur pas moins de 43.000 groupes (« transnational corporations »), dont il met en lumière les interconnexions financières: part du capital détenu, y compris dans les filiales ou les holdings, prise de participation croisée, participation indirecte au capital…Résultat : 80 % de la valeur de l’ensemble des 43.000 multinationales étudiées est contrôlé par 737 « entités » : des banques, des compagnies d’assurances ou des grands groupes industriels. Le monopole de la possession du capital ne s’arrête pas là. « Par un réseau complexe de prises de participation », 147 multinationales, tout en se contrôlant elles-mêmes entre elles, possèdent 40% de la valeur économique et financière de toutes les multinationales du monde entier. Enfin, au sein de ce groupe de 147 multinationales, 50 grands détenteurs de capital forment ce que les auteurs appellent une « super entité ». On y retrouve principalement des banques : la britannique Barclays en tête, ainsi que les « stars » de Wall Street (JP Morgan, Merrill Lynch, Goldman Sachs, Morgan Stanley…). Mais aussi des assureurs et des groupes bancaires français : Axa, Natixis, Société générale, le groupe Banque populaire-Caisse d’épargne ou BNP-Paribas. Les principaux clients des hedge funds et autres portefeuilles de placements gérés par ces institutions sont donc, mécaniquement, les maîtres du monde.

Pour ces très honnêtes auteurs, « un réseau financier densément connecté devient très sensible au risque systémique ». Quelques-uns flanchent parmi cette « super entité », et c’est le monde qui tremble, comme la crise des subprimes l’a prouvé. D’autre part, les auteurs soulèvent le problème des graves conséquences sociales que pose une telle concentration. Qu’une poignée de fonds d’investissement et de détenteurs de capital, situés au cœur de ces interconnexions décident, via les assemblées générales d’actionnaires ou leur présence au sein des conseils d’administration, d’imposer des restructurations dans les entreprises qu’ils contrôlent… et les effets pourraient être dévastateurs. Enfin, quelle influence pourraient-ils exercer sur les États et les politiques publiques s’ils adoptent une stratégie commune ?